mercredi 23 mai 2012

Souvenirs de la chasse tout-temps canadienne



S’il est un domaine de l’aviation militaire méconnu, car relativement peu traité dans la littérature aéronautique, c’est bien celui de la chasse tout-temps. L’obscur travail des équipages (pilotes & navigateurs) volant dans le brouillard, le nez dans leur tableau de bord, et agissant au gré de scopes lumineux un brin mystiques, est sans doute moins propice à perpétuer l’image d’Epinal du pilote de chasse que les héroïques récits de combats aériens tournoyants ayant fait le succès du Grand Cirque de Closterman ou, plus récemment, de Top Gun.

Il aura donc fallu une réelle volonté de témoigner et de transmettre de la part des auteurs (tous trois d'anciens navigants des escadrons tout-temps) pour mener à bien le projet éditorial ayant abouti, voici quelques mois, à la publication de Night Fighters. Le soutien de l’All-Weather Fighter (AWF) Association n’a sans doute pas été inutile non plus tant pour rassembler la matière nécessaire à  cet ouvrage que pour finaliser la démarche éditoriale et constituer un vivier de lecteurs garanti pour cet opus.

« Night Fighters » est un terme apparu durant la Seconde Guerre mondiale, et par lequel on désignait alors ces unités et leurs combattants au travail si spécifique : voler de nuit ou par mauvais temps pour aller frapper en étant ainsi moins vulnérable, ou intercepter sans être vu. D’où une certaine injustice dans le peu d’égards réservé à ces aviateurs spécialisés : avec des ennemis moins visibles et moins vulnérable, ne faut il pas en effet un niveau de maîtrise supérieur pour intercepter et détruire un intrus profitant de la nuit ou d’une météo exécrable pour mener sa besogne ? En effet, les spécificités de la chasse tout temps, si elles peuvent d’abord décourager le lecteur néophyte, se révèlent tout à fait intéressantes et méritent bien qu’on rende hommage à leurs praticiens.

Dans le courant des années cinquante, le terme « night fighters » tombe en désuétude remplacé par celui d’« all-weather fighters » (chasse tout-temps), jugé plus valorisant car dénotant la polyvalence des équipages. A cette même époque, dans un climat de guerre froide, le Canada met en place treize escadrons de chasse tout temps équipés de CF-100 Canuck pour prendre le relais de ses intercepteurs diurnes Sabre à la nuit tombée et par mauvais temps. Pour faire face à de potentielles attaques soviétiques, neuf de ces unités seront alors versées au NORAD, les quatre restantes étant affectées à l'OTAN et déployées en Europe. C'est ainsi qu'à partir de novembre 1956, les bases canadiennes de Marville, Grostenquin, Zweibrücken et Baden recevront chacune un escadron de CF-100 en remplacement d'un des trois escadrons de Sabre initialement installés.

Night Fighters nous fait ainsi monter dans le cockpit, aux côtés des pilotes et des navigateurs pour nous livrer des anecdotes et des souvenirs peu communs et pas franchement traités dans les historiques d'unités ou les livres rétrospectifs de l'aviation canadienne. On découvre ainsi que le CF-100 était un avion qu'il fallait apprendre à dompter. Pour autant, les pilotes, même aguerris au Canuck, pouvaient être confrontés à une éjection non désirée ou au départ intempestif des 58 rockets emportées dans les pods fixés en bouts d'ailes! Le chauffage à bord fonctionnait mal et le givrage dans le cockpit était fréquent, les bottes des pilotes étaient d'ailleurs parfois gelées au plancher de l'appareil! Paradoxal pour un avion conçu pour évoluer dans le grand Nord canadien!

Il ne s'agit pourtant pas à proprement parler d'un ouvrage didactique, et le lecteur curieux de connaître l'histoire des escadrons tout-temps au sein de la RCAF fera mieux de commencer par des ouvrages plus généraux pour ensuite approfondir avec cet opus. En effet, Night fighters, tant dans sa forme que dans son fond, s'adresse à des lecteurs connaissant déjà un minimum les avions, les bases et les missions des escadrons tout-temps. Aussi, cet ouvrage viendra avantageusement compléter des livres comme Canucks unlimited, de Bob Baglow, ou The Avro CF-100, de Larry Milberry. Le texte est une compilation de souvenirs et d'anecdotes rédigés par une foule d'anciens pilotes. Malgré un gros travail de relecture et d'harmonisation de la part des trois auteurs du livre, force est de constater que le fil conducteur n'est pas toujours très apparent, d'autant que le texte n'évite pas certaines redites ou digressions. A l'inverse, on regrette parfois que certaines informations n'apparaissent pas, comme la base ou l'escadron servant de théâtre à tel ou tel récit.

L’iconographie est quant à elle assez maigre et exclusivement en noir et blanc. Même l’illustration quadrichromique de couverture, qui aurait pu mettre en avant une belle photo d'époque, n'accueille qu'un dessin un peu décevant où, si l’on reconnaît bien un CF-101 Voodoo (qui remplaça le CF-100 à compter de 1961 dans les missions tout-temps) on distingue l’arrière d’un bombardier Vulcan pour figurer le Canuck. Ces appareils sont, certes, tous deux sortis des usines Avro, mais représenter un bombardier à la place d'un intercepteur sur la couverture du livre est tout de même assez regrettable! Toujours est-il qu'un cahier central de photos couleurs aurait apporté un "plus" certain à cet ouvrage dont l'iconographie est un peu le talon d'Achille.

Pour conclure, gardons à l'esprit que Night Fighters compile des histoires inédites de premier plan, de la main même de leurs acteurs, qui reviennent sur une époque (la guerre froide) encore peu traitée dans l'histoire de l'aviation, sur un sujet (la chasse tout-temps) qui l'est tout aussi peu! Du milieu des années cinquante au début des années quatre-vingt, du CF-100 Canuck au CF-101 Voodoo, Night Fighters nous plonge dans l'univers des défenseurs du grand Nord canadien et de l'Europe occidentale en leur rendant un réel hommage, et notamment à ceux qui ont laissé leur vie dans l'exercice de leur fonction. 
Qu'ils en soient tous remerciés!

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Night Fighters
Stories from the flyers of Canada's all-weather fighter force
Canada and Europe, 1953 to 1984
Compilé et édité par John Eggenberger, Bob Merrick et Doug Munro
24.95 $


mardi 22 mai 2012

Reconversion des anciennes bases OTAN


A l'approche des fermetures prochaines de Metz Frescaty et Laon-Couvron, entre autres, la question de reconversion des anciennes bases est un sujet sensible qui anime de nombreux protagonistes locaux, voire nationaux.

Il est donc intéressant de (re)visionner cette conférence de Colette RENARD-GRANDMONTAGNE, même si elle date déjà de plusieurs années (octobre 2009), pour (re)découvrir ce qui a été réalisé (ou non), avec plus ou moins de succès, sur d'autres friches militaires de l'OTAN, en attendant de découvrir ce qui sera fait des emprises évacuées cet été...

dimanche 20 mai 2012

Réunion du 1er Wing de Marville : derniers jours pour s'inscrire!

Bel assortiment de dérives colorées pour ces Sabre de la
1ère Division Aérienne Canadienne vus à Prestwick.
© G. Macadie

La 4e réunion des anciens du 1er Wing canadien de Marville approche à grands pas! Une fois encore, à l'initiative des frères Baar, auteurs de l'excellent livre sur l'histoire de la base canadienne de Marville, des retrouvailles et commémorations canadiennes sont organisées dans la région frontalière franco-belge proche de Marville.

Passage en revue des escadrons du 1st Wing de Marville par des autorités canadiennes.
©  DND PL-127988

Cet évènement qui devrait réunir une trentaine de vétérans canadiens de la RCAF (et/ou leurs enfants, étant souvent nés, ou ayant grandi à la clinique de la base de Marville) se déroulera du 23 au 28 août prochains.

Comme à chaque édition, ce rassemblement sera chargé d'émotions, notamment lors des cérémonies commémoratives aux PMQ's (cités canadiennes), lieux de vie et de souvenirs, mais aussi dans les villes et bourgs des environs, de part et d'autre de la frontière franco-belge.

Ainsi, des manifestations sont d'ores et déjà prévues à Virton (B), au cimetière de Marville (F) ainsi que sur l'ancienne base aérienne qui fera l'objet d'une visite le samedi 24 août. A cette occasion, les rues de l'anciennes base, qui abritent aujourd'hui une zone industrielle, devraient se voir baptisées du nom de personnalités canadiennes ayant servi à Marville.

Sur la base, une exposition de photos d'époque retracera la grande époque où le grondement des réacteurs des Sabre, Canuck et autres Starfighter retentissait dans la campagne environnante. Point d'orgue de cette journée du samedi, une conférence (en anglais) de Carl Christie retracera les grandes heures de l'histoire de la Royal Canadian Air Force (RCAF)

Le dimanche, les festivités se poursuivront à Florenville (B), avant de continuer le lundi, par une visite de la base aérienne belge de Florennes (qui fête cette année son 70e anniversaire et organise un meeting aérien à cette occasion les 23 et 24 juin prochains) et de l'Euro Space Center.

Retrouvailles belgo-canadiennes autour de souvenirs de la base de Marville à
l'occasion de la 3e réunion des vétérans canadiens, en juin 2008.
© F. Loubette. 

Les vétérans de Marville (ou d'autres unités de la RCAF en Europe) qui aimeraient participer à ces retrouvailles doivent s'inscrire sans tarder, avant le 30 mai prochain auprès de Philippe et Pierre Baar qui vous indiqueront les modalités financières dans le détail.

Philippe et Pierre Baar
Rue de la station, 22
Saint-Mard (Virton), Belgique  B6762
Pierre.Baar@ec.europa.eu
011-32-63-57-88-50

N'oubliez pas de visiter également la page facebook de l'évènement!

    

mardi 8 mai 2012

Voilure réduite pour le meeting d'Evreux

L'ancienne affiche du MNA initialement prévu à Evreux.
A la place, il faudra compter sur une seule journée
type "portes-ouvertes", le dimanche 24 juin.

L'ancienne base aérienne américaine d'Evreux-Fauville, actuelle Base Aérienne 105 de l'Armée de l'Air, devait accueillir un Meeting National de l'Air (MNA) les 23 et 24 juin prochains. Cet évènement coïncidait notamment avec la venue d'un groupe de vétérans de l'US Air Force ayant vécu et travaillé sur la base au cours des années 60, comme nous en faisions part ici-même voilà quelques mois.

Les MNA, jusqu'alors organisés par la Fondation des Oeuvres Sociales de l'Air (FOSA), avaient changé de format depuis quelques années. De cinq MNA annuels, organisés chacun sur cinq bases différentes pendant une journée, le nombre de manifestations était passé à quatre il y a une dizaine d'années, puis à trois depuis 2009. Les principales différences depuis le passage à trois meetings étaient la durée de la manifestation, qui comprenait désormais tout le week-end au lieu d'une seule journée, et également le tarif d'entrée qui avait sensiblement augmenté, mais après tout, c'était pour la bonne cause...

Ce nombre réduit de manifestations posait bien évidemment des problèmes d'accessibilité liés à la répartition géographique des meetings, tant prévoir de traverser la moitié de la France pour assister à une manifestation à ce point tributaire de la météo était un véritable pari. Mais prendre un tel pari pouvait toutefois encore s'avérer jouable grâce à la durée de la manifestation : si le samedi était pluvieux, une deuxième chance s'offrait le dimanche aux spectateurs et aux spotters (le programme étant globalement identique sur les deux jours).

Il faut désormais parler de cette époque au passé, comme je le fais depuis le début de ce billet : suite à une enquête de la Cour des comptes, l'Armée de l'Air vient de modifier un peu en catastrophe le format de ses manifestations pour revenir dès cette année à un concept plus proche de la journée "portes-ouvertes" (JPO) que du meeting aérien, sur une seule journée et non plus deux. Le plateau aérien proposé sera également réduit, recentré sur les avions "locaux". Quant aux démonstrations aériennes, au vu des élément dont nous disposons aujourd'hui, il n'est même pas garanti qu'elles soient maintenues, les présentations statiques étant nettement moins gourmandes en kérosène...

Cette unique "journée des Bases Aériennes" (c'est la nouvelle terminologie) se déroulera donc, pour Evreux, le dimanche 24 juin prochain. A l'heure où nous mettons en ligne, le site internet du meeting est encore en cours de maintenance et inaccessible, à l'exception de la page d'accueil - le temps de revoir le programme. La venue de la délégation américaine n'est pas directement impactée par la modification de la manifestation aérienne, mais son programme ne nous est toutefois pas connu dans le détail. Néanmoins, une chose est sûre : les vétérans Américains ne repartiront pas d'Evreux émerveillés par le spectacle aérien auquel ils auront assisté. Espérons que l'accueil qui leur sera réservé compensera cette déception!

S'il apparaît moins motivant d'aller jusqu'à Evreux, Avord où Mont-de-Marsan pour assister à une "simple JPO" d'une journée, et sans avions étrangers ou historiques, voilà toutefois quelques motifs pouvant vous inciter à vous y rendre : l'entrée à ces journées des bases de l'air est totalement gratuite, et rien ne garantit qu'elles seront reconduites l'année prochaine. C'est peut-être donc la dernière occasion qui vous est donnée de découvrir une base aérienne, ses avions et ses mértiers! D'autant que, d'ici là, suite à la fermeture planifiée de plusieurs bases de l'Armée de l'Air, le choix de l'emplacement sera (?) encore plus restreint...