vendredi 24 août 2012

Marville : retour de vétérans et conférence

1 Fighter Wing - North Luffenham.
Photo : National Archives of Canada
Le No. 1 Fighter Wing est à l'honneur ce week end à Marville! Depuis hier, une trentaine de vétérans canadiens ayant servi  dans la Royal Canadian Air Force (RCAF) sur la base de Marville sont réunis dans le Nord de la Meuse et le Sud de la Belgique pour cinq jours de commémorations.

A l'initiative de Pierre et Philippe Baar, à qui l'on doit l'excellent livre historique de la base de Marville, une nouvelle réunion de vétérans canadiens de Marville se tient du 23 au 27 août entre Marville, Montmédy (Fr), Virton et Florenville (Be). Après le tour de force réalisé lors de la première réunion, en 2005, lorsqu'un meeting aérien avait été organisé sur l'ancienne base canadienne, des nouvelles journées canadiennes s'étaient  à nouveau tenues en 2008 dans les environs de Marville. Cette année encore, les "pèlerins" Canadiens marquent leur attachement à cette région où certains d'entre eux se sont mariés et on vu naître leurs enfants.

Comme à chacune des réunions canadiennes du No. 1 Wing, les frères Baar
éditent un numéro spécial de l'ancien journal de la base, l'Arrowhead Tribune.

Ce week end est donc prévue une visite de l'ancienne base, samedi matin. Il s'agira sans doute d'un temps fort pour beaucoup, émus de retrouver les lieux où ils vécurent il y a un demi siècle, et qui plus est de les retrouver dans un état de délabrement certain. En fin de matinée, la mairie de Marville accueillera le groupe autour de l'exposition "Les grandes marguerites" proposée par l'association Aéro-Marguerite et le Souvenir Français, retraçant la période de guerre froide durant laquelle l'OTAN fit construire de nombreuses bases aériennes en Europe.

L'après midi, Carl Christie, auteur, historien et vétéran de Marville donnera une conférence (en anglais) sur l'histoire des années britanniques de la 1ère escadre canadienne en Europe. Rappelons en effet qu'avant de pouvoir s'installer à Marville, dans l'attente de l'achèvement de la construction de la base, les trois escadrons du 1er Wing canadien opéraient depuis la base anglaise de North Luffenham, de novembre 1951 à mars 1954. Cette conférence aura lieu à 16h30 à l'hostellerie d'Orval (belgique), située auniveau du carrefour menant à l'abbaye.
La stèle commémorative de la présence
canadienne à Florenville (Be)
Photo : Fabrice loubette

Le lendemain dimanche 26, les festivités se poursuivront en Belgique, à Florenville, place des Canadiens à 11h00. L'après midi, un quartier libre permettra aux participants de retrouver des lieux aimés et fréquentés autrefois. Quant au dernier jour, lundi 27, point d'orgue de la rencontre, une visite de la base aérienne belge de Florennes est organisée pour les Vétérans canadiens. Ils découvriront les appareils du 2e Wing Tactique, dont les F-16 ont aujourd'hui remplacé les F-84F Thunderstreak qui côtoyaient déjà les Sabre de Marville au milieu des années cinquante.... Le lundi soir, un concert et des festivités clôtureront ces journées de retrouvailles, sur la grand place de Saint-Mard (Be)

Une fois encore, les efforts investis pas les organisateurs de ces journées de retrouvailles belgo-franco-canadiennes seront certainement couronnés de succès, et les participants garderont certainement de très bons souvenirs de ce pélerinage à Marville!

mercredi 1 août 2012

Frescaty, c'est fini...

Patrouille double de F-84F de la "9" (EC 2/9 Auvergne)
survolant la base de Frescaty en 1957. Photo SHD


Le 21 juin dernier s’est déroulée la cérémonie de dissolution de la Base Aérienne 128 de Metz-Frescaty. Sa fermeture avait été annoncée dès 2008, à l’occasion de la publication du Livre Blanc sur la défense. 
Si ces dissolutions sont désormais monnaie courante, elles n'étaient jusqu'alors malheureusement pas toujours accompagnées de la sortie d’un historique des emprises fermées. Cette année pourtant, il convient de saluer l'initiative des Editions Privat qui publient un volume pour trois des quatre bases aériennes* dissoutes cette année! 

La base aérienne 128 de Metz, Frescaty pour les intimes, est donc bien entendu concernée, avec la sortie de Metz, la sentinelle, sous la direction du Colonel Olivier BERTRAND, commandant la BA128, et sous la plume de Patrick Pallot.



Avant même d’entamer sa lecture, on est agréablement surpris par le format à l’italienne de ce livre dont l'éditeur semble coutumier : cette orientation est en effet très propice à la mise en valeur des photographies. Elles sont d’ailleurs nombreuses en pleine ou en double-page, ce qui mérite bien qu'on le souligne, tant ce soin particulier apporté à la valorisation iconographique est trop souvent négligé dans l’édition d'historiques, parfois réalisés "à la va-vite" pour faire coïncider la parution avec la fermeture. Rien de tel ici, la conception et la finition de ce livre étant tout à fait professionnelles.

Plus qu’une étude historique, ce livre est surtout un très bel album souvenir retraçant les grandes étapes d’une base aérienne dont l’activité aéronautique hétéroclite remonte à 103 ans, ce qui en fait probablement aujourd'hui, en France, une des plus anciennes plate-formes aéronautiques. 
La situation frontalière de Metz confère au terrain de Frescaty une histoire mouvementée et riche en rebondissement, au gré des variations de la ligne de front durant les différents conflits où l’arme aérienne fut engagée.

Il n’est pas inutile de rappeler qu’aux premières heures de l’aviation, Metz est allemande, depuis son annexion durant la guerre de 1870. Les premiers « vaissaux aériens » à investir Frescaty furent donc des dirigeables allemands, dont un fameux Zeppelin rigide (le LZ3). Ce n'est qu'en novembre 1918 que l'aviation militaire française investit Frescaty, et notamment son emblématique hangar à dirigeables. La période d'entre-deux guerres et l'évolution des matériels volants font vivre à Frescaty de grands moments d'aviation, le 11e Régiment d'Aviation de Bombardement et la 38e Escadre de Bombardement demeurant les unités emblématiques de cette période! Il est intéressant de relever que le grand Mermoz passe quelques mois à Frescaty au début des années 1920. S'il n'y effectue pas ses premiers vols** comme le laisse entendre l'auteur, Mermoz y découvre toutefois la vie d'escadrille. Pourtant, la désillusion l'emporte et la discipline militaire le dégoûte. Ce grand nom n'a laissé que peu de traces à Metz, si ce n'est une fresque à son effigie à l'intérieur du fort Saint-Privat, et c'est quasiment la seule mention qui en est faite dans ce livre.
Avec la Seconde Guerre mondiale, la Luftwaffe reprend possession du terrain, mais les P-47 de l'US Army Air Force pilonnent le terrain et, chassant l'aviation allemande, s'y installent jusqu'à la fin de la guerre.

Avec la création de l'Alliance Atlantique en 1949, Frescaty va radicalement changer d'apparence, puisqu'il est décidé de transformer le site en une base aérienne moderne répondant aux standards de l'OTAN : piste et taxiway de 2400 mètres, trois aires de dispersion : les fameuses "marguerites" (même si celles de Frescaty sont loin d'évoquer des motifs floraux), ainsi qu'une base vie destinée à accueillir une demi brigade aérienne et son escadre de chasse. La base est en effet vouée à recevoir des éléments français, et plus spécifiquement la 9e Escadre de Chasse rapatriée de Lahr, en Allemagne. Cette unité opère au profit du 1er Commandement Aérien Tactique (1er CATac), dans le cadre de la 4e Force Aérienne Tactique Alliée (4e FATA) aux côtés des escadres américaines et canadiennes stationnées en Europe pour contrer une éventuelle attaque soviétique. La "9" est donc équipée d'avions américains fournis à la France  par l'OTAN dans le cadre de l'Aide Militaire pour la Défense Mutuelle. Durant neuf ans, la 9e EC opère depuis Frescaty sur fond de guerre froide, mais aussi de guerre d'Algérie où tous ses pilotes iront successivement servir dans le cadre du programme de parrainage des Escadrilles d'Aviation Légère d'Appui (EALA). Signalons le bref passage des Mystère IV des 7e et 8e EC rapatriées du Maghreb vers Frescaty pour quelques mois, en attendant que la BA 133 de Nancy-Ochey soit prête à les accueillir. On regrette d'ailleurs que cet épisode n'ait pas été davantage développé, et surtout illustré dans le livre. En 1965, la dissolution de la "9" marque la fin de l'aviation de chasse pour la BA128 qui entre dans une nouvelle ère...

Avec l'arrivée des Noratlas, puis des Transall "Gabriel", la base entre dans le domaine très secret du renseignement éléctromagnétique, en d'autres termes simplifiés : de l'espionnage radio et radar. Cette mission capitale tout au long de la guerre froide enverra les avions de Metz opérer principalement le long du rideau de fer, ou en mer Baltique. 
Dans le paysage aéronautique de Frescaty, les hélicoptères ne sont pas oubliés, puisque l'EH 2/67 Valmy y a opéré trente-cinq années durant, avant d'être intégré à l'Escadron de Transport Mixte (ETM) Moselle (voir ci-dessous). Car en effet, la BA128 devient parallèlement une base d'état major, avec l'arrivée du QG de la Force Aérienne Tactique / 1ère Région Aérienne (FATac / 1ère RA). Des unités de transport et de liaison (le Verdun et le Moselle) sont donc indispensables jusqu'à sa fermeture et au déménagement de l'Etat-Major sur la BA 102 de Dijon. 

Difficile de conclure ce très bel ouvrage sans parler des sites militaires rattachés à la BA 128, ou encore de l'activité civile (aéroport et aéroclub) de la plateforme. Ce chapitre civil aurait sans doute mérité d'être approfondi, mais on sort il est vrai de l'histoire de la base aérienne militaire.

Comme mentionné plus haut, les militaires ayant servi à Frescaty seront sans doute heureux de conserver un aussi bel album souvenir de "leur" base. Quant aux férus d'aviation, ils regretteront peut-être de ne pas trouver davantage de photos, notamment de F-84F en couleurs, ou encore de Mystère IV des 7e et 8e EC. Mais c'est peut-être la condition nécessaire pour réserver à l'iconographie la belle place évoquée plus haut : moins de photos, mais en plus grands formats. 
De même, un pan plus humain aurait sans doute été bienvenu en complément de la factuelle succession des unités résidentes, avec, pourquoi pas des témoignages de pilotes et d'équipages. Enfin, le lecteur souhaitant approfondir certains chapitres, ou certaines époques de l'histoire de Frescaty sera sans doute un peu déçu de ne pas trouver d'orientation bibliographique en fin d'ouvrage.
Mais ces quelques bémols restent bien légers au regard du superbe travail réalisé par Patrick Pallot qui offre un bel hommage à une grande dame de l'aviation en Lorraine : feue la BA 128 de Metz-Frescaty.

Préface du Colonel Olivier BERTRAND, dernier commandant de la BA 128
Textes de Patrick Pallot
Editions Privat
32 €

La dernière base (BA 943 Nice Mont-Agel) n'est pas en reste, mais ces sont les Editions Marines qui publient son histoire
** C'est à Istres que Jean Mermoz effectue ses premiers vols et ses premiers solos.
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Lire la recension de l'Aérobibliothèque.

Pour aller plus loin, le SIRPA Air propose un panorama historique des bases aériennes dissoutes cet été, soit par le biais du magazine Air Actualités n°653 de juillet-août 2012, soit directement sur le site internet de l'Armée de l'Air où les articles d'Air Actualités sont repris in extenso : Les bases aériennes ont une histoire.

A lire également au sujet de bases aériennes type OTAN de l'Armée de l'Air : 


Les ailes d'Orléans, historique de la BA 123 édité chez Privat en 2012... bien que cette base soit toujours en activité !!!