samedi 9 janvier 2010

Mentor Inbound, la bio d'Ascani

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C'est via les éditions Author House qu'est parue (à compte d'auteur), en novembre dernier, la biographie du général américain (USAF) Fred Ascani. Vous connaissez?
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S'il n'est pas le plus célèbre des pilotes militaires américiains, son CV n'en reste pas moins impressionnant : né en 1917 et diplômé de West Point (le Saint-Cyr américain) en 1941, Ascani choisit l'Army Air Corps. Breveté pilote en 1942, il est envoyé en Afrique du Nord puis en Europe début 1944 pour y commander 816th Bomb Squadron / 483rd Bomb Group, évoluant sur Boeing B-17 Flying Fortress. Il y effectue 53 missions de bombardement sur l'Allemagne ainsi que quelques missions top-secrètes à destination de la Tchecoslovaquie.
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A son retour aux Etats-Unis, il intègre le centre de formation des pilotes d'essai, à Wright-Patterson, OH. Le capitaine Glen Edwards, qui donnera par la suite son nom à la base aérienne mythique, est alors un de ses camarade de promo et également collocataires!
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Devenu adjoint au commandant du centre d'essais en vol de Wright-Patterson, il est directement impliqué dans le recrutement du pilote préssenti pour être le premier à franchir le mur du son. A cette occasion, il rencontre Chuck Yeager. Le parcours des deux hommes restera intimement lié, si bien que lorsqu'il co-écrit la biographie de Yeager, le journaliste américain Léo Janos donne largement "la parole" au général Ascani. Dans Yeager, an autobiography, Ascani livre ses souvenirs sur le "personnage Yeager", mais aussi sur le programme X-1 et les grandes heures de la base d'Edwards (Californie) où les deux hommes sont affectés à partir de 1950, lorsque le centre d'essais en vol de l'US Air Force y est transféré.

En 1951, Ascani devient, pour un temps, l'homme le plus rapide du monde en établissant un record de vitesse sur 100 km en circuit fermé à bord d'un F-86E Sabre. Deux ans plus tard, son record lui sera enlevé par son amie l'aviatrice Jackie Cochran, à bord du même type d'appareil, grâce à un entraînement prodigué par l'inévitable Chuck Yeager...

Ascani devant le F-86 Sabre du record du monde de vitesse, en 1951


C'est pourtant surtout la courte période (dans le récit) de 1954 à 1957 qui nous intéressera dans Mentor Inbound. En effet c'est à cette époque qu'Ascani revient en Europe en tant que commandant en second du 86th Fighter Interceptor Wing basé à Landstuhl (Allemagne).

Ascani y évoque les "débuts", en 1954, de la base de Phalsbourg (57) qui dépendait alors de celle de Landstuhl ; son "horrible piste pleine de fissures" ou encore les soirées mémorables passées avec les aviateurs canadiens basés à Grostenquin (57)...

Mais la partie la plus intéressante concerne sans aucun doute la période durant laquelle Ascani fut commandant du 50th Fighter Bomber Wing d'abord à Hahn (Allemagne), puis à Toul-Rosières (54), à partir de l'été 1956, sur F-86H Sabre.

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En 1957 à Toul-Rosières : Ascani, à l'époque colonel, pose devant son Sabre rutilant

On regrette que l'auteur ne s'étende pas davantage sur cette période, et la biographie de Yeager (encore lui!) relate davantage d'informations à ce sujet puisque ce dernier commandait un des trois escadron du 50th FBW, à Hahn et Toul également.
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Le fameux "Trip Four" (triple 4) du colonel Ascani,
décoré aux couleurs des trois escadrons composant le 50th FBW
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Force est de constater que la lecture de cette biographie, rédigée par le LtCol Sheryl L. Hutchison (USAF, ret.) s'avère décevante. Après avoir lu plusieurs biographies de pilotes célèbres et, au vu de la carrière d'Ascani, j'espérais trouver un livre beaucoup plus riche et plus agréable à lire, à l'image de l'Etoffe des Héros, de Tom Wolfe. Il y avait pourtant largement la matière nécessaire...
Or, Hutchison propose ici un récit dénué de style, où la carrière de pilote d'essai d'Ascani est résumée en une succession de référence d'appareils et de dates, entrecoupée d'anecdotes familiales ou personnelles sans réel intérêt et qui, de plus, arrivent telles des cheveux sur la soupe, parachutées d'on ne sait où car souvent sans lien avec les paragraphes qui les encadrent...
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La carrière bureaucratique d'Ascani, assez longue il est vrai, est relatée avec force détails et abréviations plus ou moins obscures pour qui n'est pas intronisé dans l'administration militaire américaine, ce qui participe nettement de l'alourdissement du récit et de son manque de rythme.
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Occasionnellement on peut aussi y trouver quelques erreurs, comme l'affectation du 48th Fighter Bomber Wing à Chambley (54), au lieu de Chaumont (52), et bien entendu, un certain "écorchage" des noms français. En l'espace de quelques pages, Toul-Rosières se transforme en Toul-Rossieres, voire Toul-rossierres-en-hay (sic). On comprend mieux la préférence des militaires américains pour le surnom TRAB (pour Toul-Rosières Air Base)...
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Seule la toute dernière partie de cette biographie "rattrappe" quelque peu la lourdeur précédemment évoquée. En effet, à partir du départ en retraite d'Ascani, le récit se fait plus humain, et tout un chacun peut y être sensible. On y découvre qu'un général américain, ex-pilote de chasse et d'essais n'est pas à l'abri des doutes, même les plus extrêmes...
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Pour conclure, on peut dire, sans trop caricaturer, que cette biographie de militaire a été rédigée par une militaire, pour des militaires (américains, ajouterai-je même!). En effet, le texte ainsi servi renseigne davantage le lecteur sur les arcanes de l'US Air Force et de sa hiérarchie, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'au début des années soixante-dix, que sur la réelle expérience de pilote militaire du général Ascani et des nombreuses anecdotes et souvenirs qui auraient pu trouver là leur place...
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C'est dommage, car l'homme éprouvait une réelle passion pour le vol qui transparaît encore aujourd'hui lorsqu'on a la chance d'évoquer avec lui ses souvenirs de pilote. Il garde ainsi, par exemple, un souvenir ému de son fameux Trip four, son F-86 attitré en tant que Wing Commander, ainsi surnommé en raison de son immatriculation (FU-444).
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Rencontre entre l'auteur de ce blog et le général Ascani, en juin 2007,
un demi siècle exactement après son départ de la base de Toul-Rosières

Clin d'oeil : A l'époque de ma rencontre avec Ascani, séjournant à Washington DC,
le hasard a voulu que ma chambre d'hôtel porte, elle aussi, l'"immatriculation" Trip Four...
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Pour en découvrir un peu plus sur le général Fred Ascani, voici une page (en anglais) qui lui est intégralement consacrée et qui reprend, en images, les grands moments de sa carrière militaire.
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