jeudi 7 octobre 2010

Les enfants de l'envie - Actualisé


Sous ce titre pas forcément évocateur, Gabrielle Piquet nous dépeint, du haut de ses trente ans, une histoire dans laquelle de nombreux quadra et quinquagénaires ayant grandi à proximité de bases de l'OTAN risquent de se reconnaître...

Le cadre : Soulignons d'abord l'audace de l'auteure, qui campe son histoire à Laon, dans l'Aisne, à la fin des années 90. C'est assez inhabituel pour être remarqué, et ce choix sort également le lecteur du "cas d'école castelroussain" souvent retenu lorsqu'il s'agit d'évoquer la présence américaine en France, dans le cadre de l'OTAN.

Le graphisme : Epuré, le dessin au trait, dénué de couleurs et se jouant des habituelles cases de la BD est clairement mis au service de l'histoire, illustrant le drame existentiel d'un petit garçon devenu grand, et les méandres de son esprit où réel et imaginaire, présent et passé n'ont de cesse de se mélanger.

© Casterman / Gabrielle Piquet

L'histoire : La quarantaine approchant, Basile Sinniger se traîne un mal de vivre chronique. Ayant grandi sans père, vivant toujours chez sa mère et cherchant désespérémment l'âme soeur, ce anti-héros se démarque principalement par sa tignasse et sa veste noires dans les rues de Laon, comme dans les pages de l'album.

Fruit d'une idylle sans lendemain entre sa mère, Juliette, et un Roméo qui aurait jadis été affecté à la base américaine de Laon-Couvron avant de repartir aussi sec aux States, Basile, cet "enfant de l'envie", n'a jamais connu son père qui n'a sans doute jamais eu vent de son existence.
Employé de mairie à Laon, notre héros n'a de cesse de faire revivre le mythe des Américains par l'intermédiaire des souvenirs de ses grands-parents. Le reste du temps, il trouve une échappatoire dans la peinture. Son unique source d'inspiration : l'Amérique, et plus précisémment New York, héritage indirect de son inconnu de père dont c'était la ville natale. Inlassablement, Basile peint et repeint les rues de la Grosse Pomme, jusqu'à l'obsession, bien qu'il n'y ait jamais mis les pieds.

C'est dans ce contexte que le maire de Laon propose un jour à Basile d'exposer ses toiles dans le cadre du retour dans la région de vétérans américains de l'ancienne base de l'OTAN. Outre le trac de soumettre pour la première fois ses toiles à l'examen du public, c'est surtout la question de savoir si son père fera ou non partie de la délégation américaine qui anime Basile...

Gabrielle Piquet, qui s'est inspirée du travail d'Axelle Bergeret-Cassagne, aborde de façon originale le thème des enfants nés de pères américains inconnus. Ce sujet indéniablement lié à la présence des troupes de l'OTAN en France pendant la guerre froide est pourtant assez peu traité, en tous cas de façon frontale. L'approche du sujet par le biais de la bande dessinée est inédite et permet aussi de dédramatiser en apportant quelques touches d'humour. Comme évoqué plus haut, le choix d'implanter cette histoire à Laon est également bienvenu, puisqu'il remet ainsi en lumière un épisode historique très marquant pour cette ville méconnue et sa région.
Une initiative heureuse, dont on espère qu'elle fera des émules.

Paru au printemps dernier, ce roman graphique librement inspiré de faits réels avait, à l'époque, échappé à ma vigilance. Par la thématique et le contexte que cette BD abordent, Les enfants de l'envie est à rapprocher du film de Philippe Charigot Châteauroux District.

Les enfants de l'envie
par Gabrielle Piquet
192 pages
17,1 x 24 cm
ISBN : 2203022175
14,95 €

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