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Patrouille double de F-84F de la "9" (EC 2/9 Auvergne)
survolant la base de Frescaty en 1957. Photo SHD |
Le 21 juin dernier s’est déroulée
la cérémonie de dissolution de la Base Aérienne 128 de Metz-Frescaty. Sa
fermeture avait été annoncée dès 2008, à l’occasion de la publication du Livre
Blanc sur la défense.
La base aérienne 128 de Metz, Frescaty pour les intimes, est donc bien entendu concernée, avec la sortie de
Metz, la sentinelle, sous la direction du Colonel Olivier BERTRAND, commandant la BA128, et sous la plume de Patrick Pallot.
Avant même d’entamer sa lecture, on est agréablement surpris
par le format à l’italienne de ce livre dont l'éditeur semble coutumier : cette orientation est en effet
très propice à la mise en valeur des photographies. Elles sont d’ailleurs
nombreuses en pleine ou en double-page, ce qui mérite bien qu'on le souligne, tant ce
soin particulier apporté à la valorisation iconographique est trop souvent
négligé dans l’édition d'historiques, parfois réalisés "à la va-vite" pour faire coïncider la parution avec la fermeture. Rien de tel ici, la conception et la finition de ce livre étant tout à fait professionnelles.
Plus qu’une étude historique, ce
livre est surtout un très bel album souvenir retraçant les grandes étapes
d’une base aérienne dont l’activité aéronautique hétéroclite remonte à 103 ans, ce qui en fait probablement aujourd'hui, en France, une des plus anciennes plate-formes aéronautiques.
La situation frontalière de Metz confère au
terrain de Frescaty une histoire mouvementée et riche en rebondissement, au gré
des variations de la ligne de front durant les différents conflits où l’arme
aérienne fut engagée.
Il n’est pas inutile de rappeler
qu’aux premières heures de l’aviation, Metz est allemande, depuis son annexion
durant la guerre de 1870. Les premiers « vaissaux aériens » à
investir Frescaty furent donc des dirigeables allemands, dont un fameux
Zeppelin rigide (le LZ3). Ce n'est qu'en novembre 1918 que l'aviation militaire française investit Frescaty, et notamment son emblématique hangar à dirigeables. La période d'entre-deux guerres et l'évolution des matériels volants font vivre à Frescaty de grands moments d'aviation, le 11e Régiment d'Aviation de Bombardement et la 38e Escadre de Bombardement demeurant les unités emblématiques de cette période! Il est intéressant de relever que le grand Mermoz passe quelques mois à Frescaty au début des années 1920. S'il n'y effectue pas ses premiers vols** comme le laisse entendre l'auteur, Mermoz y découvre toutefois la vie d'escadrille. Pourtant, la désillusion l'emporte et la discipline militaire le dégoûte. Ce grand nom n'a laissé que peu de traces à Metz, si ce n'est une fresque à son effigie à l'intérieur du fort Saint-Privat, et c'est quasiment la seule mention qui en est faite dans ce livre.
Avec la Seconde Guerre mondiale, la Luftwaffe reprend possession du terrain, mais les P-47 de l'US Army Air Force pilonnent le terrain et, chassant l'aviation allemande, s'y installent jusqu'à la fin de la guerre.
Avec la création de l'Alliance Atlantique en 1949, Frescaty va radicalement changer d'apparence, puisqu'il est décidé de transformer le site en une base aérienne moderne répondant aux standards de l'OTAN : piste et taxiway de 2400 mètres, trois aires de dispersion : les fameuses "marguerites" (même si celles de Frescaty sont loin d'évoquer des motifs floraux), ainsi qu'une base vie destinée à accueillir une demi brigade aérienne et son escadre de chasse. La base est en effet vouée à recevoir des éléments français, et plus spécifiquement la 9e Escadre de Chasse rapatriée de Lahr, en Allemagne. Cette unité opère au profit du 1er Commandement Aérien Tactique (1er CATac), dans le cadre de la 4e Force Aérienne Tactique Alliée (4e FATA) aux côtés des escadres américaines et canadiennes stationnées en Europe pour contrer une éventuelle attaque soviétique. La "9" est donc équipée d'avions américains fournis à la France par l'OTAN dans le cadre de l'Aide Militaire pour la Défense Mutuelle. Durant neuf ans, la 9e EC opère depuis Frescaty sur fond de guerre froide, mais aussi de guerre d'Algérie où tous ses pilotes iront successivement servir dans le cadre du programme de parrainage des Escadrilles d'Aviation Légère d'Appui (EALA). Signalons le bref passage des Mystère IV des 7e et 8e EC rapatriées du Maghreb vers Frescaty pour quelques mois, en attendant que la BA 133 de Nancy-Ochey soit prête à les accueillir. On regrette d'ailleurs que cet épisode n'ait pas été davantage développé, et surtout illustré dans le livre. En 1965, la dissolution de la "9" marque la fin de l'aviation de chasse pour la BA128 qui entre dans une nouvelle ère...
Avec l'arrivée des Noratlas, puis des Transall "Gabriel", la base entre dans le domaine très secret du renseignement éléctromagnétique, en d'autres termes simplifiés : de l'espionnage radio et radar. Cette mission capitale tout au long de la guerre froide enverra les avions de Metz opérer principalement le long du rideau de fer, ou en mer Baltique.
Dans le paysage aéronautique de Frescaty, les hélicoptères ne sont pas oubliés, puisque l'EH 2/67 Valmy y a opéré trente-cinq années durant, avant d'être intégré à l'Escadron de Transport Mixte (ETM) Moselle (voir ci-dessous). Car en effet, la BA128 devient parallèlement une base d'état major, avec l'arrivée du QG de la Force Aérienne Tactique / 1ère Région Aérienne (FATac / 1ère RA). Des unités de transport et de liaison (le
Verdun et le
Moselle) sont donc indispensables jusqu'à sa fermeture et au déménagement de l'Etat-Major sur la BA 102 de Dijon.
Difficile de conclure ce très bel ouvrage sans parler des sites militaires rattachés à la BA 128, ou encore de l'activité civile (aéroport et aéroclub) de la plateforme. Ce chapitre civil aurait sans doute mérité d'être approfondi, mais on sort il est vrai de l'histoire de la base aérienne militaire.
Comme mentionné plus haut, les militaires ayant servi à Frescaty seront sans doute heureux de conserver un aussi bel album souvenir de "leur" base. Quant aux férus d'aviation, ils regretteront peut-être de ne pas trouver davantage de photos, notamment de F-84F en couleurs, ou encore de Mystère IV des 7e et 8e EC. Mais c'est peut-être la condition nécessaire pour réserver à l'iconographie la belle place évoquée plus haut : moins de photos, mais en plus grands formats.
De même, un pan plus humain aurait sans doute été bienvenu en complément de la factuelle succession des unités résidentes, avec, pourquoi pas des témoignages de pilotes et d'équipages. Enfin, le lecteur souhaitant approfondir certains chapitres, ou certaines époques de l'histoire de Frescaty sera sans doute un peu déçu de ne pas trouver d'orientation bibliographique en fin d'ouvrage.
Mais ces quelques bémols restent bien légers au regard du superbe travail réalisé par Patrick Pallot qui offre un bel hommage à une grande dame de l'aviation en Lorraine : feue la BA 128 de Metz-Frescaty.
Préface du Colonel Olivier
BERTRAND, dernier commandant de la BA 128
Textes de Patrick Pallot
Editions Privat
32 €
** C'est à Istres que Jean Mermoz effectue ses premiers vols et ses premiers solos.
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Pour aller plus loin, le SIRPA Air propose un panorama historique des bases aériennes dissoutes cet été, soit par le biais du magazine
Air Actualités n°653 de juillet-août 2012, soit directement sur le site internet de l'Armée de l'Air où les articles d'
Air Actualités sont repris
in extenso : Les bases aériennes ont une histoire.
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